Historique du télescope (3)
par Gaétan Herbinaux
publié le 22 février 2003
Les télescopes de Herschel furent longtemps les plus grands de leur catégorie.
Mais au milieu du XIXème siècle, un gentilhomme irlandais, William Parsons, comte
de Rosse (1800-1867), construisit un télescope encore plus grand : le miroir du "
Léviathan de Parsonstown ", mis en service en 1845, avait un diamètre de 1,80 m.
Des problèmes d'ordre technique, climatique et social en empêchèrent toutefois une
exploitation efficace : le maniement du télescope et son utilisation difficile en
raison du climat brumeux de l'Irlande, autant que la famine de l'époque, qui poussa
un grand nombre de gens à émigrer, détournèrent l'attention de notre gentilhomme.
Son télescope conduisit néanmoins à une découverte fondamentale : il fournit la preuve
que certaines " nébuleuses " qui ne pouvaient pas être résolues en étoiles individuelles
possédaient une structure en forme de spirale. Les " nébuleuses spirales " devenaient
une nouvelle catégorie d'objets célestes dont la véritable nature (galaxies spirales)
ne fut définie que septante-cinq ans plus tard.
A peu près à la même
époque, le directeur de l'observatoire d'Edimbourg, Charles Piazzi Smith, étudia
le climat des îles Canaries. En 1856, il effectua une première expédition à Tenerife,
où il construisit un poste d'observation provisoire pour quelques semaines : les
conditions de vue sur l'île montagneuse se révélèrent nettement supérieures à celles
des observatoires situés à moindre altitude - découverte de la plus grande importance
pour l'astronomie.
L'idée de Piazzi Smith de construire des observatoires
sur les sommets des montagnes se répandit surtout aux Etats-Unis. Ainsi, la planification
et la construction de l'observatoire Lick, près de San Francisco, serviront de modèle
aux premiers grands observatoires. Dans un premier temps, il fallait un mécène, prêt
à fournir les fonds nécessaires à un tel projet. Il fut trouvé en la personne de
James Lick, un ancien menuisier de Californie ayant fait fortune dans la fabrique
de pianos à l'époque de la ruée vers l'or. Il avait d'abord envisagé de se faire
construire un tombeau en forme de pyramide au centre de San Francisco, mais il changea
d'avis et décida de faire un don de 700.000 dollars pour la construction d'un observatoire
au sommet du mont Hamilton (près de San Francisco, à une altitude de 1200 m). La
seule condition de Lick était d'être enterré dans les fondations du télescope. Sa
volonté fut exaucée à sa mort en 1876.
Les grands observatoires du XIXème
siècle étaient tous équipés de lunettes. Le réfracteur de Lick était, lors de son
installation, la lunette la plus grande au monde, avec un objectif de 0,91 m de diamètre
et une distance focale de 17,60 m. Il permit l'observation d'étoiles doubles ainsi
que la prise de clichés photographiques de la surface lunaire. En 1895, l'observatoire
fut équipé d'un deuxième télescope, un réflecteur " d'occasion " de 0,93 m, hérité
d'un astronome amateur anglais, Crossley. Pendant longtemps, celui-ci ne fut guère
utilisé en raison de nombreux problèmes techniques. Mais les astronomes ne voulurent
pas en rester là : tandis que Edward E. Barnard, pionnier de la photographie céleste,
enregistrait - à l'aide de grandes lentilles sphériques généralement utilisées pour
la photographie de portraits - des amas galactiques lumineux et des nébuleuses obscures,
James Keeler révisa complètement le télescope de Crossley et commença, en 1898, à
s'en servir pour la photographie de nébuleuses gazeuses et spirales. En 1904, le
réflecteur de Crossley obtint une nouvelle monture anglaise de type axial. Le télescope
sert encore sous cette forme aujourd'hui.
Le grand observatoire américain
Yerkes fut construit en 1897 sous la direction de George Ellery Hale (1868-1938),
astronome qui découvrit les champs magnétiques du Soleil, gestionnaire passionné
et acharné de la recherche astronomique. C'était un don du magnat Charles Yerkes,
constructeur de tramways et promoteur immobilier douteux. Son équipement ressemblait
à celui de l'observatoire Lick, son réfracteur étant toutefois un peu plus grand
(1,02 m de diamètre, 19,40 m de longueur focale). Situé à proximité de l'université
de Chicago, l'observatoire Yerkes ne s'élève que peu au-dessus du niveau de la mer.
Outre le réfracteur (le plus grand jamais construit), l'observatoire dispose d'un
réflecteur de 0,60 m de diamètre, fabriqué par l'opticien George W. Ritchey. Mais
Hale ne voulait pas se contenter des deux instruments. Avec ses propres moyens et
l'aide généreuse d'un industriel de l'acier, Andrew Carnegie, il érigea en 1908 près
de Los Angeles, à 1800 m d'altitude, l'observatoire du mont Wilson, qui dispose,
outre des télescopes solaires, de deux grands réflecteurs principaux : un premier
miroir de 1,50 m et un second de 2,54 m (le télescope Hooker). Avec ce dernier, le
plus grand de l'époque, Edwin Hubble effectua dans les années 1920 ses célèbres études
extragalactiques.
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