Historique du télescope (2)
par Gaétan Herbinaux
publié le 22 février 2003
Le principal défaut des lunettes galiléennes et des réfracteurs képlériens consistait
dans
le
fait qu'ils n'étaient pas achromatiques. L'objectif, constitué d'une seule
lentille,
réfractait
la lumière, avec le résultat que les couleurs du spectre (le
bleu, le
vert, le
rouge,…) se focalisaient en des points différents. Les objets apparaissaient
donc
ornés
d'un arc-en-ciel indésirable, de sorte que les détails les plus fins étaient
noyés
dans
un mélange de couleurs. Pendant de nombreuses années, la seule solution
fut
de
construire des objectifs à distance focale assez grande, afin de limiter les
aberrations
chromatiques.
Les objectifs de Campani, Divini, Hévélius, Picard, Huygens,
Colbert
et Perrault
rivalisaient en distance focale. On en arriva à des " télescopes
en
plein air ",
sans tube, constitués d'un objectif placé au sommet d'une tour et
d'un
oculaire
situé au niveau du sol, où se trouvait l'observateur : Cassini en utilisa
certains
qui
avaient plus de cinquante mètres de long, en s'aidant de la tour de
bois de
Marly,
à Versailles.
Le problème de l'aberration chromatique
fut résolu
dans
la seconde moitié du XVIIIème siècle par l'opticien anglais Dollond,
qui accoupla
deux
lentilles de verre avec des indices de réfraction différents (crown
et flint)
de
façon à faire, à peu de chose près, coïncider les couleurs dans le plan
focal.
Fraunhofer
(1787-1826) devint un maître de la construction de ces objectifs
chromatiques,
maintenant
universellement répandus ; il fut suivi par d'autres grands
opticiens,
comme Merz
et Alvan Clark. L'apogée de la lunette se situe à la fin du
XIXème siècle,
époque
à laquelle furent construits les plus grands instruments de
ce type, qui
ne seront
probablement jamais dépassés. La lunette la plus grande reste
celle de
l'observatoire
Yerkes, dans le Wisconsin, construite en 1897 : le diamètre
de sa
lentille est
de 1,02 m et sa distance focale est de 19,40 m. Il en existe quelques
autres,
de
dimensions comparables, dont celle de l'observatoire de Meudon (diamètre,
0,83
m
; distance focale, 16,2 m). Il ne fut pas question d'aller plus loin que cet
objectif
monumental
( œuvre de Clark), pour deux bonnes raisons. La première est
que la réalisation
de
lentilles encore plus grandes représente des difficultés considérables
et des
coûts
très élevés par rapport aux réflecteurs (voir plus loin) qui, eux, ne
contiennent
qu'une
seule surface optique, celle du miroir (au lieu des quatre faces
des lentilles
de
l'objectif d'un réfracteur). La seconde est que plus un objectif
est grand, plus
il
est épais, donc plus il absorbe de lumière utile. On en arrive
ainsi à un point
au-delà
duquel toute la lumière acquise grâce à l'augmentation du
diamètre est perdue
à
cause de l'épaisseur des verres. Dans le cas de la lunette
de l'observatoire Yerkes,
58
pour cent de la lumière reçue est absorbée par l'objectif.
La
solution
à
ce problème est dans les télescopes à miroirs, dits réflecteurs. Ceux-ci
constituent
les
télescopes proprement dits, par opposition aux lunettes. Dans cet
article, le
terme
" télescope " s'appliquera donc, suivant le contexte, tantôt aux
seuls réflecteurs,
tantôt
à tous les instruments destinés à l'observation à grande
distance.
Dans
le cas
des réflecteurs, la concentration de la lumière se faisant
avec un miroir,
il n'y
a plus ni chromatisme, ni absorption de la lumière. Cette
solution fut adoptée
dès
1661 par l'Anglais James Gregory, mais la théorie en fut
mise au point par Isaac
Newton
(1642-1727) dans ses Lectiones opticae de 1669, de
sorte que ce dernier est
communément
reconnu comme le père de ce type de télescope,
destiné à devenir le
plus répandu
et le plus puissant. Newton lui-même en construisit
un petit prototype
avec un
miroir de 25 mm de diamètre et une focale de 15 cm. Ce
type de télescope
devait
jouer un rôle décisif dans le développement de l'astronomie.
Néanmoins, la
fabrication
de miroirs de bonne qualité optique se heurtant à de nombreuses
difficultés,
le
développement du réflecteur fut momentanément abandonné.
Longtemps,
la
lunette
fut l'instrument préféré des " professionnels " de l'astronomie, c'est-à-dire
ceux
qui
pensaient que leur principale fonction était de contribuer à la précision
des
mesures
et à l'amélioration de l'inventaire céleste, de l' " histoire céleste
",
comme
on disait au XVIIIème siècle. Le télescope, à cette époque, satisfaisait
plus
ceux
qu'attiraient avant tout l'ampleur et la richesse du spectacle, ainsi que
la
spéculation
cosmologique. C'est l'un de ces " amateurs " du Ciel, William Herschel
(1738-1822),
musicien
émigré du royaume de Hanovre en Angleterre, qui commença à
la fin du XVIIIème
siècle
à perfectionner la technique de fabrication des miroirs.
Il construisit de
ses
propres mains des télescopes dont les dimensions étaient sans
commune mesure
avec
les instruments de l'époque. Le diamètre de son plus grand miroir
métallique
atteignait
1,20 m. Il eut la bonne fortune de découvrir, grâce à l'un
d'eux, la
planète Uranus.
Mais ce qu'il cherchait à comprendre, c'était la " constitution
des
cieux ", et
il fut en effet le premier, après la révolution copernicienne, à
tenter
de reconstruire
une image globale de l'Univers, à partir d'un programme d'observations
systématiques
des
étoiles, amas stellaires et nébuleuses. Malgré les succès de Herschel,
les lunettes
restèrent
prédominantes dans les grands observatoires du monde jusqu'à
la fin du
XIXème siècle,
cela surtout grâce aux excellents objectifs achromatiques
de Joseph
Fraunhofer.
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