Rosetta
par Vincent Mollet
publié le 29 janvier 2004, mis à jour le 10 mars 2005
Sonde de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), Rosetta est destinée à développer nos connaissances sur les comètes.
Elle devait initialement être lancée en janvier 2003 par une fusée Ariane 5 pour atteindre, en 2011, la comète Wirtanen. Il était prévu qu'elle se place en orbite autour de cette dernière et qu'elle largue un atterrisseur destiné à s'y poser. Cependant, à la suite de l'échec du vol 157 d'Ariane 5 en décembre 2002, l'ESA et Arianespace décidèrent de ne pas procéder au lancement durant la fenêtre de tir prévue.
La mission dut dès lors être modifiée.
Selon le site du CNES, il était envisageable de conserver Wirtanen comme objectif mais un autre lanceur (un PROTON russe, selon le CNES) aurait dû être utilisé pour un lancement en janvier 2004. Il était également possible de conserver le même lanceur (Ariane 5), mais il fallait alors changer de comète cible.
C'est cette dernière solution qui fut choisie. Un nouvel objectif fut assigné à Rosetta en mai 2003. Elle serait lancée en février 2004 et devrait exécuter une mission similaire à celle initialement envisagée, mais à destination d'une autre comète, Churyumov-Gerasimenko, qu'elle devrait atteindre en 2014.
Quelques modifications durent être apportées à la sonde : nouveau logiciel, nouveau train d'atterrissage... Il fallut en effet renforcer ce dernier car la vitesse d'atterrissage sera plus élevée, la comète Churyumov-Gerasimenko étant dix fois plus massive que la comète Wirtanen.
D'abord prévu pour le 26 février 2004, le lancement a été une première fois reporté au 27 février en raison de vents d'altitude défavorables. Il a ensuite été reporté une seconde fois suite à la détection de l'absence d'une pièce de protection thermique sur le lanceur. Le lancement a finalement eu lieu, avec succès, le 2 mars 2004.
Le nom « Rosetta » est une référence à la célèbre pierre de Rosette qui mena au déchiffrage des hiéroglyphes égyptiens. Les scientifiques espèrent, de façon similaire, que Rosetta permettra de mieux comprendre nos origines. Les comètes auraient en effet été formées aux débuts du Système Solaire et leur composition n'aurait pas changé depuis lors. De plus, compte tenu justement de la constitution de ces comètes, leurs impacts avec notre planète auraient pu jouer un rôle dans la formation des océans et de l'atmosphère terrestre, voire dans l'apparition de la vie sur Terre.
Masse totale : environ 3000 kg
dont 1670 kg de carburant et un atterrisseur de 100 kg
Date de lancement : 2 mars 2004
Lieu de lancement : Kourou (Guyane Française)
Lanceur : Ariane 5 G+ - vol 158
Dimensions
Partie principale : 2,8 x 2,1 x 2,0 mètres.
Deux panneaux solaires : 14 mètres de long pour une surface de 32 m² (chacun)
D'un côté de l'orbiteur se trouve l'atterrisseur ; de l'autre côté, une antenne de 2,2 mètres de diamètre.
Coût
La mission Rosetta devrait coûter environ 1 milliard d'euros.
Ceci inclut l'engin lui-même, le lancement, la charge scientifique et les opérations.
Le coût du report du lancement (mars 2004 au lieu de janvier 2003) est évalué à environ 70 millions d'euros.
Objectif - Comète Churyumov-Gerasimenko
L'objectif de Rosetta est la comète Churyumov-Gerasimenko (67P/C-G), découverte en 1969 par Klim Churyumov sur un cliché pris par Svetlana Gerasimenko. Longue de 5 km pour une largeur de 3 km, cette comète tournerait sur elle-même en environ 12 heures.
Elle met 6,57 ans pour boucler son orbite autour du Soleil, s'approchant jusqu'à 1,29 UA de celui-ci, pour s'en éloigner ensuite jusqu'à 5,74 UA. Cette orbite est inclinée de 7,12 degrés par rapport au plan de l'écliptique.
La comète Churyumov-Gerasimenko a une histoire inhabituelle. Jusqu'en 1840, son périhélie était à 4 UA du Soleil. Cette année-là, la comète, passant près de Jupiter, fut déviée et son périhélie s'approcha à 3 UA du Soleil. Il descendit ensuite progressivement jusqu'à 2,77 UA. Ensuite, en 1959, Jupiter dévia à nouveau la comète, lui donnant son périhélie actuel, à 1,29 UA du Soleil.
Lancement
Lancée le 2 mars 2004 lors du "vol 158" par un lanceur européen Ariane 5 G+, la sonde, accompagnée de l'étage supérieur du lanceur, a d'abord été placée en orbite terrestre (4000 x 200 km) durant environ 2 heures.
Ensuite, l'étage supérieur d'Ariane a propulsé Rosetta sur sa trajectoire interplanétaire, avant de se séparer de la sonde.
Déroulement prévu de la mission
Pour atteindre sa destination, Rosetta a bénéficié, le 4 mars 2005, de l'assistance gravitationnelle de la Terre. Elle utilisera une fois celle de la planète Mars (le 26 février 2007) et deux fois à nouveau celle de la Terre (en novembre 2007 et novembre 2009).
Durant son trajet vers la comète, la sonde passera également à proximité de deux astéroïdes : Steins et Lutetia (respectivement le 5 septembre 2008 et le 10 juillet 2010).
Rosetta est inactive durant la plus grande partie de son voyage, se "réveillant" lors des survols de la Terre, de Mars et des astéroïdes. Durant ses phases d'inactivité (d'hibernation), Rosetta tourne sur elle-même, face au Soleil, de manière à ce que ses panneaux solaires reçoivent un maximum d'énergie. La plupart des systèmes sont éteints, à l'exception des récepteurs radio, des décodeurs de commandes et de l'alimentation en énergie.
Signalons néanmoins que la première activité scientifique de la sonde s'est déroulée le 30 avril 2004. Rosetta a alors en effet observé à distance la comète C/2002 T7 (située à environ 95 millions de kilomètres de la sonde), à l'aide de ses instruments OSIRIS, ALICE, MIRO et VIRTIS. Ces observations ont confirmé le bon fonctionnement de ces instruments.
Lors des survols de Mars et des astéroïdes, des observations scientifiques seront réalisées. Rosetta nous renseignera ainsi sur la masse, la densité et la température des astéroïdes rencontrés et déterminera s'il y a des gaz et des poussières à proximité.
Il avait toujours été prévu que Rosetta puisse étudier l'un ou l'autre astéroïde mais ce n'est qu'après le lancement que l'équipe en charge de la mission a pu déterminer quelle était la quantité exacte de carburant disponible pour assurer des survols d'astéroïdes. Ce n'est qu'alors qu'elle a pu annoncer quels astéroïdes pourraient être observés par la sonde : Steins et Lutetia.
Steins, situé dans la ceinture d'astéroïdes (entre les orbites de Mars et Jupiter), ne mesure que quelques kilomètres de diamètre. Rosetta le survolera le 5 septembre 2008 à une distance d'environ 1700 km.
Lutetia, situé également dans cette ceinture d'astéroïdes, est plus gros, avec un diamètre d'environ 100 km. La sonde le survolera le 10 juillet 2010 à une distance d'environ 3000 km.
Au cours de son voyage, la sonde s'éloignera jusqu'à environ 800 millions de km du Soleil et 1 milliard de km de la Terre.
Après avoir rejoint Churyumov-Gerasimenko, Rosetta se mettra en orbite autour de la comète et y larguera son atterrisseur. La sonde étudiera la comète durant sa phase d'approche du Soleil, lors du passage au périhélie, et ensuite, alors qu'elles s'éloigneront à nouveau du Soleil.
Les principales dates de la mission sont les suivantes :
Passées :
2 mars 2004 : lancement
30 avril 2004 : observation, à distance, de la comète C/2002 T7
4 mars 2005 : première assistance gravitationnelle de la Terre
Futures :
26 février 2007 : assistance gravitationnelle de Mars
Novembre 2007 : deuxième assistance gravitationnelle de la Terre
5 septembre 2008 : survol de l'astéroïde Steins
Novembre 2009 : troisième assistance gravitationnelle de la Terre
10 juillet 2010 : survol de l'astéroïde Lutetia
Mai 2014 : rendez-vous avec la comète Churyumov-Gerasimenko
Novembre 2014 : atterrissage sur la comète
Décembre 2015 : fin de la mission
Atterrissage
Atterrir sur une comète ou se mettre en orbite autour d'elle n'est pas chose facile : la gravité y est extrêmement faible ! Le risque existe donc que l'atterrisseur de Rosetta « rebondisse » sur la comète et échappe définitivement à l'attraction de Churyumov-Gerasimenko.
Pour assurer que l'atterrisseur reste sur la comète une fois arrivé à sa surface, différentes techniques seront utilisées. Il dispose ainsi notamment de vis et harpons destinés à l'arrimer à la surface.
Energie solaire
Rosetta sera la première sonde à voyager au-delà de la ceinture d'astéroïdes tout en étant alimentée en énergie par des panneaux solaires plutôt que par une source radio-active. La nouvelle technologie utilisée par les panneaux solaires de la sonde permettra de générer une puissance d'environ 400 Watts à 800 millions de km du Soleil !
Communications
Le centre de contrôle de la mission est le European Space Operations Centre (ESOC) à Darmstadt, Allemagne. Il est responsable de la planification de la mission, du contrôle de la sonde et de sa trajectoire et de la distribution des données scientifiques.
Durant les phases actives de la mission, un centre d'opérations scientifiques est également mis en place à l'ESOC. Il s'occupe de coordonner les requêtes d'opérations scientifiques.
Les opérations de l'atterrisseur seront coordonnées depuis le DLR à Cologne, Allemagne et le CNES à Toulouse, France.
Les communications sont assurées via l'antenne de 35 mètres de diamètre située à New Norcia (près de Perth), Australie. Le signal qu'elle émet est capable d'atteindre des distances de plus d'un milliard de kilomètres. Les signaux sont transmis et reçus dans deux bandes de fréquences : la bande S (2 GHz) et la bande X (8 GHz). En fonction de la distance de la sonde, ils peuvent mettre jusqu'à 50 minutes pour l'atteindre. La sonde dispose donc d'ordinateurs lui assurant une certaine autonomie.
L'ESA construit une autre antenne parabolique de 35 mètres à Cebreros, Espagne. Elle pourra servir à partir de 2005.
La sonde est "visible" depuis New Norcia en moyenne 12 heures par jour. Il y a des périodes de "black-out" lorsque la sonde passe derrière le Soleil. Pour que ces périodes ne constituent pas un problème, Rosetta dispose d'une mémoire de 25 Gbits capable de stocker les données scientifiques pour les envoyer à la Terre plus tard.
Instruments scientifiques
Orbiteur (165 kg d'instruments scientifiques)
ALICE - Ultraviolet Imaging Spectrometer
ALICE analysera les gaz aux environs de la comète et mesurera les taux de production (par la comète) d'eau et de monoxyde ou dioxyde de carbone. Il fournira des informations sur la composition de la surface du noyau de Churyumov-Gerasimenko.
Développement : S. A. Stern, Southwest Research Institute (SwRI), Boulder, Colorado, Etats-Unis.
CONSERT - COmet Nucleus Sounding Experiment by Radio-wave Transmission
CONSERT étudiera la structure interne du noyau. Lorsque l'orbiteur et l'atterrisseur se trouveront de part et d'autre de la comète, le premier émettra un signal qui traversera le noyau de la comète et qui sera ensuite répété par l'atterrisseur. Le signal de retour, reçu par l'orbiteur, permettra de déduire des informations sur la composition de la comète.
Développement : W. Kofman, Laboratoire de Planétologie (LPG), Grenoble, France.
COSIMA - COmetary Secondary Ion Mass Analyser
COSIMA analysera les caractéristiques des grains de poussière émis par la comète, comme leur composition et le fait qu'ils sont organiques ou non.
Développement : J. Kissel, Max-Planck-Institut für Aeronomie, Katlenburg-Lindau, Allemagne.
GIADA - Grain Impact Analyser and Dust Accumulator
Il mesurera le nombre, la masse, la vitesse des grains de poussière provenant du noyau de la comète et des autres directions.
Développement : L. Colangeli, Osservatorio Astronomico di Capodimonte, Naples, Italie.
MIDAS - Micro-Imaging Dust Analysis System
MIDAS étudiera les poussières autour de la comète, fournissant des informations sur la taille, le volume, la forme des particules.
Développement : W. Riedler, IWF, Graz, Autriche.
MIRO - Microwave Instrument for the Rosetta Orbiter
MIRO déterminera les abondances des gaz principaux, la vitesse de dégazage de la surface et la température du sous-sol du noyau.
Développement : S. Gulkis, NASA-JPL, Pasadena, Californie, Etats-Unis.
OSIRIS - Optical, Spectroscopic and Infrared Remote Imaging System
Cette caméra prendra des images haute résolution du noyau de la comète.
Développement : H.U. Keller, Max-Planck-Institut für Aeronomie, Katlenburg-Lindau, Allemagne.
ROSINA - Rosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral Analysis
ROSINA déterminera la composition de l'atmosphère et de l'ionosphère de la comète, les vitesses des particules gazeuses ionisées et les réactions auxquelles elles prennent part.
Développement : H. Balsiger, Université de Berne, Suisse.
RPC - Rosetta Plasma Consortium
RPC mesurera les propriétés physiques du noyau, examinera la structure de la coma interne de la comète, surveillera l'activité cométaire et étudiera l'interaction de la comète avec le vent solaire.
Développement : A. Eriksson, Swedish Institute of Space Physics, Uppsala, Suède; J. Burch, SwRI, San Antonio, Texas, Etats-Unis; K-H Glassmeier, TU Braunschweig, Allemagne; R. Lundin, Swedish Institute of Space Physics, Kiruna, Suède; J. G. Trotignon, LPCE/CNRS, Orléans, France; C. Carr, Imperial College, Royaume-Uni.
RSI - Radio Science Investigation
RSI mesurera la masse, la densité et la gravité du noyau, définira l'orbite de la comète et étudiera la coma interne.
Développement : M. Pätzold, Université de Cologne, Cologne, Allemagne.
VIRTIS : Visible and InfraRed Thermal Imaging Spectrometer
VIRTIS cartographiera et étudiera la nature des solides et la température à la surface du noyau. Il identifiera les gaz, caractérisera les conditions physiques de la coma et aidera à identifier les meilleurs sites d'atterrissage.
Développement : A. Coradini, IFSI, Rome, Italie.
Atterrisseur
APXS - Alpha Proton X-ray Spectrometer
A 4 cm du sol, APXS détectera les particules alpha et les rayons X. Ceci fournira des informations sur la composition de la surface.
Développement : R. Rieder, Max-Planck-Institut für Chemie, Mayence, Allemagne.
ROLIS - ROsetta Lander Imaging System
ROLIS est une caméra permettant d'obtenir des images haute résolution durant la descente et des images panoramiques stéréo.
Développement : S. Mottola, DLR, Berlin, Allemagne.
ÇIVA
Cet instrument consiste en six micro-caméras qui prendront des photos panoramiques de la surface. Un spectromètre étudiera la composition, la texture et l'albédo d'échantillons collectés à la surface.
Développement : J. P. Bibring, Institut d'Astrophysique Spatiale, Université Paris Sud, Orsay, France.
CONSERT - COmet Nucleus Sounding Experiment by Radio-wave Transmission
CONSERT étudiera la structure interne du noyau. Lorsque l'orbiteur et l'atterrisseur se trouveront de part et d'autre de la comète, le premier émettra un signal qui traversera le noyau de la comète et qui sera ensuite répété par l'atterrisseur. L'orbiteur recevra le signal et pourra en déduire des informations sur la composition de la comète.
Développement : W. Kofman, Laboratoire de Planétologie (LPG), Grenoble, France.
COSAC - COmetary SAmpling and Composition experiment
Cet analyseur de gaz détectera et identifiera des molécules organiques complexes.
Développement : H. Rosenbauer, Max-Planck-Institut für Aeronomie, Katlenburg-Lindau, Allemagne.
MODULUS PTOLEMY
Cet analyseur de gaz permettra de mesurer les proportions des isotopes d'éléments légers.
Développement : I. Wright, Open University, Royaume-Uni.
MUPUS - MUlti-PUrpose Sensor for surface and subsurface science
Mupus utilisera des senseurs pour mesurer la densité ainsi que les propriétés thermiques et mécaniques de la surface.
Développement : T. Spohn, Université de Münster, Allemagne.
ROMAP - ROsetta lander MAgnetometer and Plasma monitor
Cet instrument étudiera le champ magnétique local et l'interaction entre la comète et le vent solaire.
Développement : U. Auster, DLR, Berlin, Allemagne et I. Apathy, KFKI, Budapest, Hongrie.
SD2 - Sample and Distribution Device
SD2 forera plus de 20 centimètres dans la surface, collectera des échantillons et les placera dans différents fours pour une inspection microscopique.
Développement : A. Ercoli Finzi, Polytecnico, Milan, Italie.
SESAME - Surface Electrical, Seismic and Acoustic Monitoring Experiments
Trois instruments mesureront les propriétés des couches externes de la comète.
Le Cometary Acoustic Sounding Surface Experiment mesurera la façon dont le son se propage à travers la surface.
La Permittivity Probe étudiera ses caractéristiques électriques.
Le Dust Impact Monitor mesurera la poussière retombant à la surface.
Développement : D. Möhlmann, DLR, Cologne, Allemagne, W. Schmidt, FMI, Helsinki, Finlande, I. Apathy, KFKI, Budapest, Hongrie.
Mission initiale
Comme expliqué plus haut, Rosetta aurait initialement dû décoller en janvier 2003 à destination de la comète Wirtanen. Les dates importantes de cette première mission, qui a donc été abandonnée, étaient les suivantes :
13 janvier 2003 : lancement
26 août 2005 : survol de Mars
28 novembre 2005 : premier survol de la Terre
11 juillet 2006 : survol de l'astéroïde Otawara
28 novembre 2007 : deuxième survol de la Terre
24 juillet 2008 : survol de l'astéroïde Siwa
juin 2009 : ajustement de l'orbite
novembre 2011 - mai 2012 : approche de la comète Wirtanen
mai 2012 - juin 2012 : mise en orbite autour de la comète
juillet 2012 : atterrissage sur la comète
juillet 2013 : fin de la mission