Poussières lunaire et martienne par Guillaume Fabre - webmaster d'Imaginascience et Vincent Mollet publié le 22 novembre 2006, mis à jour le 26 novembre 2006
La NASA prévoit d'envoyer à nouveau des humains sur la Lune en 2018. Des missions habitées à destination de la planète Mars sont également envisagées. A l'instar de leurs prédécesseurs des missions Apollo (qui ont foulé le sol de la Lune entre 1969 et 1972), les équipages de ces futures missions seront confrontés aux poussières recouvrant les sols lunaire et martien. Comme nous le verrons plus loin, l'étude de ces poussières n'est pas sans intérêt, notamment en raison des difficultés (voire des dangers) qu'elles pourraient occasionner…
Poussière sur la Lune... La poussière lunaire, riche en fer, calcium et magnésium, est également composée, quasiment pour moitié, de composés vitreux créés par des impacts de météorites. Ces impacts, qui se produisent depuis des milliards d'années, font fondre les roches, les transforment en verre, et réduisent ensuite celui-ci en poudre. Les grains irréguliers et pointus qui en résultent rendent cette poussière extrêmement adhérente.
Pour les quelques astronautes qui ont marché sur la Lune, la poussière s'est révélée être un réel problème. Abrasive et adhérente, elle avait partiellement percé les gants externes de leurs combinaisons, elle encrassait les outils... Les équipements noircis par la poussière absorbaient la lumière solaire et avaient tendance à surchauffer…
Charge électrique et "atmosphère" lunaire La forte adhérence de la poussière lunaire serait également due à sa charge électrique, elle-même provoquée par le phénomène suivant. Durant la journée, les rayons ultraviolets émis par le Soleil seraient capables d'expulser des électrons de la couche supérieure du sol. La surface des particules de poussière y deviendrait dès lors chargée positivement. Ces particules auraient donc tendance à se repousser l'une l'autre, si fort que des grains finiraient par être propulsés loin au-dessus de la surface, avant de retomber sous l'effet de la gravité.
Ce phénomène provoquerait une sorte d' "atmosphère" lunaire, composée de ces particules de poussière éjectées de la surface.
Selon la théorie exposée dans nos sources, un autre processus se déroulerait par ailleurs durant la nuit. Des électrons provenant du vent solaire contourneraient la Lune et bombarderaient sa face obscure. La poussière lunaire y recevrait alors une charge négative, entraînant, là aussi, des projections de particules (peut-être même à des altitudes et à des vitesses plus élevées que du côté "jour").
L'existence de cette "atmosphère" est confortée par des observations réalisées par plusieurs sondes Surveyor dans les années 1960 ainsi que par des astronautes des missions Apollo. En 1972, alors qu'il se trouvait en orbite autour de la Lune, l'équipage de la mission Apollo 17 (dernière mission lunaire habitée) avait en effet observé, avant le lever du Soleil, des rayons semblables à ceux que l'on peut voir sur Terre lorsque la lumière solaire passe à travers les reliefs et la poussière atmosphérique.
Triboélectricité Des phénomènes embarrassants de chargement triboélectrique pourraient par ailleurs se manifester sur la Lune. Sur Terre, ils se produisent par exemple quand on se charge électriquement en marchant sur de la moquette. D'une manière générale, les chargements triboélectriques surviennent lorsque certains matériaux différents sont frottés l'un contre l'autre. L'un donne alors certains de ses électrons à l'autre, ce qui provoque leur charge électrique.
Sur notre planète, nos vêtements et l'air autour de nous ont généralement une humidité suffisante pour agir comme des conducteurs. Notre corps ne peut alors normalement pas accumuler de charges importantes lorsque nous frottons nos chaussures sur un tapis, puisque ces charges ont la possibilité de se disperser via ces conducteurs. Mais, lorsque l'air et les matériaux sont très secs, ils agissent comme d'excellents isolants et les charges peuvent alors s'accumuler sur nous. Si nous touchons ensuite un conducteur, comme une poignée de porte métallique, une décharge se produit.
Ce genre de phénomène est parfois désagréable sur Terre, mais, sur la Lune, il pourrait prendre des proportions bien plus graves. L'environnement lunaire est en effet extrêmement sec. Comme le sol et certains matériaux dont sont faits les équipements spatiaux peuvent provoquer des chargements triboélectriques lorsqu'ils sont frottés les uns contre les autres, ces équipements pourraient accumuler des charges élevées au cours, par exemple, de déplacements d'astronautes sur la Lune. Lorsque ces astronautes rentreraient ensuite à leur base et toucheraient du métal, la décharge qui surviendrait pourrait avoir de graves conséquences pour l'électronique de bord.
Il faut toutefois remarquer que les astronautes des missions Apollo n'ont jamais déclaré avoir été victimes de ce genre de décharge lors de leur séjour sur la Lune. Il s'agit néanmoins là d'un problème potentiel (c'est le cas de le dire !) à prendre en compte lors de la préparation de futures missions où des machines excavatrices seraient en action et manipuleraient de grandes quantités de poussière lunaire. Pour s'en prémunir, une solution envisagée dans nos sources consiste à relier tous les équipements à une vaste structure conductrice enterrée, constituée par exemple d'aluminium.
Odeur Une caractéristique curieuse de la poussière lunaire est son odeur. Bien entendu, les astronautes des missions Apollo ne pouvaient pas sentir directement la surface de la Lune mais, lorsqu'ils regagnaient leur atterrisseur au terme d'une sortie extravéhiculaire, la poussière accrochée à leur équipement y pénétrait en même temps qu'eux. Une fois leurs casques enlevés, ces astronautes étaient à même de sentir (et de goûter) cette poussière. D'après leurs affirmations, elle possédait l'odeur de la poudre utilisée dans les armes à feu et même, plus précisément, de la poudre brûlée. Pourtant, comme nous l'avons dit plus haut, sa composition n'est pas celle de la poudre…
D'où pouvait donc provenir cette odeur ? Voici à ce sujet quelques pistes exposées dans nos sources :
- Sur Terre, lorsqu'il pleut dans un désert, l'eau s'évaporant du sol transporte des molécules qui y étaient restées prisonnières durant des mois. L'air se parfume alors d'odeurs qui n'étaient pas présentes avant la pluie.Il est possible qu'un effet similaire se soit produit entre la poussière lunaire, très sèche (et depuis très longtemps), et l'humidité à l'intérieur du module lunaire.
- La Lune est bombardée par des ions provenant du vent solaire, ions qui pourraient ensuite se retrouver dans la poussière de surface. Les mouvements des astronautes et le contact de l'air chaud, à l'intérieur du module lunaire, pourraient avoir entraîné l'évaporation des ions contenus dans la poussière amenée de l'extérieur par l'équipage. Cette évaporation aurait produit les odeurs décrites.
- Il est aussi possible que la poussière lunaire soit chimiquement active. Les impacts de météorites sur la Lune y briseraient en effet des molécules, qui deviendraient alors très réactives. Lors d'une inhalation de poussière par un astronaute, ces molécules brisées réagiraient avec les membranes du nez de cet astronaute, entraînant pour lui la sensation de certaines odeurs, voire une sorte de rhume des foins (à l'instar de ce qu'a ressenti Jack Schmitt, de la mission Apollo 17, en respirant de la poussière lunaire).
- Une autre possibilité serait un phénomène d'oxydation de la poussière à l'intérieur du module lunaire, au contact de l'oxygène de l'air.
Curieusement, sur Terre, la poussière lunaire amenée par les missions Apollo ne sent plus rien. La raison pourrait tout simplement en être que les réactions dégageant ces odeurs se seraient achevées avant l'examen de cette poussière sur Terre.
... et sur Mars Au-delà de la Lune, des missions habitées à destination de la planète Mars sont envisagées. Ces missions seront confrontées à la poussière martienne, comme l'ont d'ailleurs été les missions robotisées qui se sont posées sur cette planète.
A ce propos, nous nous sommes déjà faits l'écho, sur ce site, de certains déboires des robots américains Spirit et Opportunity, au cours de leurs déplacements sur la surface martienne : ensablement des roues, dépôts de poussière sur les panneaux solaires (entraînant une diminution de la puissance produite)…
Triboélectricité martienne Des chargements triboélectriques, comme ceux envisagés plus haut pour les missions lunaires, ne sont par ailleurs pas à exclure sur Mars, où il fait également très sec. Ils pourraient entraîner des problèmes similaires à ceux redoutés sur la Lune. Néanmoins, l'existence d'une atmosphère martienne permet d'envisager, pour ces problèmes, une autre solution que celle décrite plus haut. Une petite source radioactive, "comme celle utilisée dans des détecteurs de fumée", pourrait être attachée sur chaque combinaison spatiale et sur les habitations. Les particules de faible énergie émises par cette source se répandraient dans l'atmosphère environnante et ioniseraient les molécules qu'elles rencontreraient. L'atmosphère deviendrait donc conductrice aux alentours des personnes et des équipements, évitant ainsi qu'ils n'accumulent des charges trop importantes.
Tourbillons Un phénomène spectaculaire impliquant la poussière martienne est celui des tourbillons (dust devils en anglais). Ceux-ci se forment de la même manière que ceux que l'on peut rencontrer dans des déserts terrestres. Un sol chaud peut accroître la température de l'air situé au-dessus de lui. Cet air s'élève alors, tandis que l'air plus froid environnant descend. Si un vent horizontal passe à travers ce mouvement vertical, un tourbillon se formera, pouvant emporter des grains de sable et de poussière. Les tourbillons martiens peuvent atteindre 1 à 2 km de large, pour 8 à 10 km de haut ! Un astronaute pris dans un tel tourbillon ne ressentirait pas un vent fort (vu la faible pression atmosphérique martienne) mais il serait néanmoins frappé par des particules lancées à des vitesses élevées. Les grains transportés par ces tourbillons pourraient en outre être chargés électriquement (par chargement triboélectrique, en se frottant les uns contre les autres). Il pourrait notamment en résulter des décharges électriques, des interférences électromagnétiques néfastes pour les communications ou encore une forte adhérence de la poussière martienne aux équipements.
La forte adhérence et le caractère abrasif de la poussière lunaire ainsi que sa capacité à entraîner des chargements triboélectriques pourraient, nous l'avons vu, donner du fil à retordre aux successeurs des équipages Apollo : usure prématurée des combinaisons, surchauffe des équipements couverts de poussières, décharges nuisibles à l'électronique embarquée... Les futurs explorateurs de la planète rouge auront quant à eux maille à partir avec la poussière martienne et ses tourbillons géants. Les missions robotisées ne sont, elles non plus, pas à l'abri...
L'étude des propriétés de ces poussières, des dangers ou difficultés qu'elles peuvent poser ainsi que des moyens d'y faire face devrait donc contribuer au succès des missions (habitées ou non) qui atterriront sur ces mondes extraterrestres...
| | Surface de la Lune, vue durant la mission Apollo 17. Source : NASA
Grain de poussière lunaire. Source : David McKay, NASA/JSC
Tourbillon de poussière sur Mars, vu par le Mars Exploration Rover Spirit. Source : NASA/JPL
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